C'est une histoire de chiens. De chiens morts. Une histoire de chiens qu'on assassine sans remord. L'histoire d'un homme qui a une vie de chien et de chiens qui ont une vie de merde. Peter Mullan EST "Tyrannosaur". C'est son surnom. On l'apprend vers la 80ème minute du film (heureusement, il n'en dure qu'une petite dizaine de plus). Cela permet au film d'avoir un titre "cool", qui a de la gueule, suffisamment mystérieux et sibyllin pour qu'il réussisse à prendre dans ses filets le plus naïf des cinéphages. De toute façon, quel autre titre pourrait-on bien donner à ce film ? Je n'en vois pas beaucoup, à moins bien sûr d'en choisir un susceptible de faire fuir le premier venu. "Noir c'est noir", "Plus glauque tu meurs", "Gris comme l'Enfer", "Un Cafard de tous les diables", "Das Capharnaüm", tout ça me vient sans effort, il me suffit de repenser aux seules premières minutes de ce film sinistre. Un film qui s'ouvre donc par l'homicide plus ou moins volontaire de Bluey, le chien de Peter Mullan. Il n'avait rien demandé. Simplement, son maître a bu quelques verres de trop et, à la sortie du bar, il ne voit rien de mieux à faire que lui donner plusieurs grands coups de pied au cul. Peut-être parce que la pauvre bête traînait quelque part dans le champ de vision de son indigne propriétaire, sans sa permission. Quelques heures plus tard, le pauvre chien, à la tronche bien sympathique et au regard si doux, aura succombé à ses blessures. Le massacre ne fait que commencer.
Vivant seul dans un quartier lugubre de Glasgow depuis la mort de sa femme, Peter Mullan est obligé de tromper sa déprime terrible par la violence et l'alcool. Constamment à cran et sur les nerfs, il s'en prend ensuite à une bande de jeunes, jouant au billard dans le même bar, celui de tous ses exploits. Ils ont le tort de rire un peu grassement et bien trop bruyamment à des blagues de mauvais goût qui impliquent de longues queues devant faire rentrer des boules dans des trous et, en cas d'échec, s'insérer directement dans des trous d'une autre nature. Rien de très folichon, il est vrai. A bout de force, Peter Mullan décide dans la scène suivante d'entrer dans le premier magasin venu et de s'isoler dans un coin pour laisser passer l'orage, les poings serrés, les larmes aux yeux, la rage pour une fois contenue. Il tombe dans la friperie rétro d'une bonne femme catho. Désireuse de venir en aide aux plus démunis, elle tentera donc de sortir notre homme du trou. Si je devais seulement vous faire croquer le pitch du film, je m'arrêterais là. Mais comme vous ne le regarderez jamais et qu'il n'y a que peu de suspense dans cette œuvre sans saveur où la noirceur est sans issue, je vais vous parler un peu du reste.
Un peu plus tard, un gosse, voisin de Peter Mullan, s'étonne de la disparition soudaine de Bluey. Pas à un mensonge près, Mullan lui explique alors que son chien était très vieux. Un mensonge assez mal réfléchi, puisque le gosse était déjà au courant de l'âge du clébard, seulement âgé de deux ans. Essayant de rattraper le coup, Mullan lui raconte donc que pour connaître le véritable âge d'un chien, il faut multiplier par 7. "2 fois 7, 14. 14 ans, ça fait vieux pour un clebs". Drôle d'échange... On apprendra aussi que la catho tournée vers le social est victime de violences conjugales. Frustré sexuellement par une femme au sex appeal inexistant, pas véritablement animé par l'envie de la couvrir de bisous, son hideux époux préfère la couvrir de baffes, ce qu'il fait donc très régulièrement, parfois avant de lui annoncer qu'il va "se masturber dans le lit". Là encore, ça donne de belles scènes. Très touchantes, très humaines. De beaux moments de pur cinéma. Entre temps, Peter Mullan se paiera quelques chiens errant en zig-zaguant à qui mieux mieux dans les ruelles des quartiers sombres de Glasgow avec sa Renault Clio. Ça ne mange pas de pain. Puis vient l'une des scènes-clés du film...
Encore une fois emporté par une irrésistible et implacable furie destructrice, Peter Mullan s'en prend au cabanon en ferraille de son jardin, coupable de sentir le renfermé. Il l'attaque à coups de hache, dans un vacarme terrible. Son voisin d'en face, au moins autant dérangé par ce boucan infernal que le pauvre spectateur innocent, sort alors de chez lui torse nu, la bave aux lèvres, son pittbull, très furax aussi, attaché à lui par le biais d'une chaîne métallique nouée à la taille. Peu commun, mais apparemment tout à fait banal dans les lowlands écossais puisque Peter Mullan s'étonne très peu de tout cet attirail, qui se présente à lui remonté comme une pendule. Contre toute attente, le chien se tire indemne de cet affrontement aussitôt avorté, qui se finit sans heurt ni fracas, chacun regagnant sa chaumière, la tronche remplie d'idées noires, la haine pour son prochain plus viscérale que jamais. Après cela, on ne mise tout de même pas cher sur l'espérance de vie du pittbull. Surtout quand on découvre, peu de temps après, que la bestiole, trop excitée par son débile de maître, a sévèrement amoché le gosse du quartier, en lui arrachant toute la joue gauche et en le défigurant à vie. La fatalité selon Paddy Considine a encore frappé ! Ni une ni deux, à la vue de la tronche saccagée du gamin, Peter Mullan saisit sa batte de baseball et se rue sur le pitbull, pris de court et qui n'en mène pas large. L'animal sans défense éclabousse de son sang le visage d'un acteur habité, survolté, visiblement à la recherche de quelques petites récompenses, à des années lumières de son rôle de papa-gâteau dans Cheval de Guerre et de son personnage de bonne sœur affable dans The Magdalene Sisters.
Après quelques jours passés dans le noir le plus complet de sa maison minable et cafardeuse, Mullan décide subitement de foutre les voiles, vêtu de son plus beau costard. Il prend le premier omnibus venu. L'ultime plan du film nous le montre descendant de cet omnibus, et remontant à pieds une route droite et ensoleillée, bordée d'arbres verdoyants, comme nous n'en avions jamais vu auparavant. Un décor inédit qui annonce vraisemblablement un nouvel horizon. Peut-être une dernière note optimiste ? Je ne sais pas. Je n'y crois pas. Ça serait en tout cas la seule de tout un long métrage qui se donne pour but de nous pourrir la vie. A mon avis, si Peter Mullan va vers d'autres cieux, c'est tout simplement pour éclater de nouveaux chiens. A ma connaissance, il y a dans ce film plus de chiens morts apparaissant à l'écran et plus de meurtres canins réalisés sans trucage que dans le pourtant fameux Dog Holocaust - Dogs for Gods, un film de bien sinistre mémoire pour nos amis à truffe froide, réalisé par l'inusable Robert F. Slatzer, mieux connu pour être l'auteur du très particulier BigFoot, cette étrange série Z où nous suivions les mésaventures d'un jeune verrat s'accoquinant avec le Yéti.
Encore une fois emporté par une irrésistible et implacable furie destructrice, Peter Mullan s'en prend au cabanon en ferraille de son jardin, coupable de sentir le renfermé. Il l'attaque à coups de hache, dans un vacarme terrible. Son voisin d'en face, au moins autant dérangé par ce boucan infernal que le pauvre spectateur innocent, sort alors de chez lui torse nu, la bave aux lèvres, son pittbull, très furax aussi, attaché à lui par le biais d'une chaîne métallique nouée à la taille. Peu commun, mais apparemment tout à fait banal dans les lowlands écossais puisque Peter Mullan s'étonne très peu de tout cet attirail, qui se présente à lui remonté comme une pendule. Contre toute attente, le chien se tire indemne de cet affrontement aussitôt avorté, qui se finit sans heurt ni fracas, chacun regagnant sa chaumière, la tronche remplie d'idées noires, la haine pour son prochain plus viscérale que jamais. Après cela, on ne mise tout de même pas cher sur l'espérance de vie du pittbull. Surtout quand on découvre, peu de temps après, que la bestiole, trop excitée par son débile de maître, a sévèrement amoché le gosse du quartier, en lui arrachant toute la joue gauche et en le défigurant à vie. La fatalité selon Paddy Considine a encore frappé ! Ni une ni deux, à la vue de la tronche saccagée du gamin, Peter Mullan saisit sa batte de baseball et se rue sur le pitbull, pris de court et qui n'en mène pas large. L'animal sans défense éclabousse de son sang le visage d'un acteur habité, survolté, visiblement à la recherche de quelques petites récompenses, à des années lumières de son rôle de papa-gâteau dans Cheval de Guerre et de son personnage de bonne sœur affable dans The Magdalene Sisters.
Après quelques jours passés dans le noir le plus complet de sa maison minable et cafardeuse, Mullan décide subitement de foutre les voiles, vêtu de son plus beau costard. Il prend le premier omnibus venu. L'ultime plan du film nous le montre descendant de cet omnibus, et remontant à pieds une route droite et ensoleillée, bordée d'arbres verdoyants, comme nous n'en avions jamais vu auparavant. Un décor inédit qui annonce vraisemblablement un nouvel horizon. Peut-être une dernière note optimiste ? Je ne sais pas. Je n'y crois pas. Ça serait en tout cas la seule de tout un long métrage qui se donne pour but de nous pourrir la vie. A mon avis, si Peter Mullan va vers d'autres cieux, c'est tout simplement pour éclater de nouveaux chiens. A ma connaissance, il y a dans ce film plus de chiens morts apparaissant à l'écran et plus de meurtres canins réalisés sans trucage que dans le pourtant fameux Dog Holocaust - Dogs for Gods, un film de bien sinistre mémoire pour nos amis à truffe froide, réalisé par l'inusable Robert F. Slatzer, mieux connu pour être l'auteur du très particulier BigFoot, cette étrange série Z où nous suivions les mésaventures d'un jeune verrat s'accoquinant avec le Yéti.
D'ordinaire acteur, déjà vu en frère revanchard dans le très glauque aussi Dead Man's Shoes (une très sombre mais néanmoins efficace histoire de règlements de comptes, louchant vers le pur film d'horreur de type slasher, dans un autre bled terne et gris du Royaume-Uni), Paddy Considine est ici réalisateur et scénariste. Tyrannosaur est donc son bébé. Sans doute l’œuvre à travers laquelle l'artiste multi-casquettes a ressenti le besoin d'expier ses démons intérieurs. Un véritable catharsis brut de décoffrage dont on se serait bien passé. Mais je parle pour moi, car le film semble rencontrer son public et plaire à quelques festivaliers. Peut-être des personnes trop heureuses, aux quotidiens trop roses, auxquelles cela fait parfois du bien de s'infliger un tel supplice. Je ne suis pourtant pas à plaindre. Mais rien n'y fait, Tyrannosaur ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.
Tyrannosaur de Paddy Considine avec Peter Mullan, Olivia Colman, Eddie Marsan et quelques chiens en péril (2012)
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